Sérendipité : Découverte heureuse d’une chose totalement inattendue […] alors qu’on cherchait autre chose.
Un exemple célèbre ? John Pemberton a inventé le Coca-Cola à la fin du XIXème Siècle alors qu’il cherchait à mettre au point un médicament pour régler son problème d’addiction à la morphine.
Cette notion — la sérendipité — a pris une toute autre saveur avec la démocratisation progressive d’internet ces trente dernières années. Grâce à un pouvoir magique : le lien hypertexte.
Lien hypertexte : référence placée dans le contenu d’une page web permettant de passer automatiquement d’un document consulté à un autre document ou à une autre partie du même document.
Il fut un temps, surfer sur internet était une promesse. Non pas celle d’accéder aux horaires d’une boutique ou aux commentaires avisés de la clientèle d’un restaurant, mais bien celle de tomber sur un truc. La page personnelle d’un passionné de modélisme, celle d’une rédactrice de fan fiction de Buffy contre les vampires, celle d’un auteur de haïkus. Pages Geocities et Free, livres d’or et chat boxes, pages de liens, compteurs web et GIF hasardeux. Oui, le mauvais goût régnait. Mauvais goût et apprentissage vont souvent de pair.
Un site internet personnel était la version électronique et déglinguée de son chez soi, de son garage, de sa piaule. Il fallait se fader du code HTML et des tables pour montrer une image à peine compréhensible par l’œil humain.
Lentement, les choses s’organisèrent. Les moteurs de recherche aux noms débiles apparurent et répertorièrent ce joyeux bordel. Des forums furent greffés à des sites, pour permettre à des passionnés de se retrouver et de poncer un sujet à en chialer du verre pilé devant les écrans cathodiques en 800x600. Des premiers outils, pour bloguer ou créer un site, virent le jour. Chacun chacune put faire sa tambouille plus facilement.
Mono-maniaques, curieuses et curieux pathologiques, timides avec un goût prononcé pour la plume… Tout le monde s’en donna à cœur joie.
Puis d’autres outils apparurent. Avec l’ambition, affichée ou non, consciente ou non, de devenir des plateformes.
Les usages sont régis par des plateformes : celle où on écrit plus vite qu’on ne pense ; celle où on partage ses photos de piètre qualité ; celle où on prend des nouvelles de sa famille has been ; celle où on fait bonne figure devant ses collègues de travail et son manager ; celle qui nous abreuve de vidéos abrutissantes ; celle où on est abreuvé de mauvais cinéma ; celle où la musique peut dégueuler sans fin dans nos oreilles ; celle où on vend les merdes qui encombrent notre vie.
Aujourd’hui, sur le net, tout le monde est locataire partout et chez soi nul part. Ces locations sont payées en argent et/ou en temps passé.
Dans ce brouhaha apparait The forest, un projet web de Manu Moreale et Carl Barenbrug.
Un truc tout simple : offrir l’opportunité de se perdre sur internet. Et, par la même occasion, redonner un tout petit peu de voix aux voix personnelles.
Un bouton. Chaque clic renvoie vers un site web au hasard. Le site web de quelqu’un. Un homme, une femme, un développeur, un musicien, une passionnée, un rageux, une belle plume ou bien encore un lourdeau — n’importe qui. Le site vous séduira et vous resterez ; il vous agacera et vous fuirez.
Quelques minutes m’ont suffi à découvrir :
Tout ça avec un bouton. Un lien hypertexte.