J’ai découvert un joli mot anglais, et quand il s’agit de mot évidemment je partage avec toi. C’est « apricity ».
La chaleur du soleil en hiver. Ou comment une définition rappelle le rayon de soleil du lendemain.
Le lendemain
Le matin, au réveil, cinq ans sont passés : ta barbe est saupoudrée de poivre et de sel, ta cabane louée se décrépit, le coca zéro te décolle le palais dans un picotement salvateur. Putain, c’est bon, l’aspartame.
Soda doudou
Pour le soda, tu as le choix.
Sanex sans sucre
Pulpe de coca
Poirpom pétillant
Coca glitch
Marie-Coca déco
C’est con de pleurer devant 120 canettes de coca zéro disséminées et planquées dans tous les coins de ta cabane.
Oui, 120. Les coupables ont confessé, vidéo à l’appui. Elles ont accompli leur méfait pendant que l’équipe translatait vers le bar.
Découvrir les canettes, à l’heure où les transports en commun ne transportent plus personne et que l’alcool a fait son effet, déclenche des rires et des larmes. Il y en a sur le plan de travail, sur les poutres, dans un coin, derrière tes casseroles, dans ton bac de douche, sur les toilettes, dans ta trousse de toilettes, dans la machine à laver, dans ton panier du marché, entre les livres, dans ton sac, dans tes sous-vêtements, sous ton oreiller…
Fermer les yeux.
Inspirer, expirer.
Il faudra attendre le lendemain pour les récolter, le lendemain du dernier jour au boulot où cinq années ont saupoudré ta barbe. Il faudra attendre le lendemain pour les récolter, après la matinée roulé en boule sous la couette et l’atricity en terrasse. Le soleil de l’hiver indique un endroit sur le carrelage pour les regrouper.
Là
Là II
À l’étage, au pied du lit, il y a des mots qui t’arrachent les tripes et les piétinent avec beaucoup d’amour si tu te risques à les lire. Ce qu’il s’est passé au réveil, avec le coca zéro qui était sous l’oreiller dans une main. L’atricity est venu réchauffer le cuir puis le corps, mais après.
Deux nouveaux piercings à l’oreille plus tard, tu files vers les géniteurs pour la visite bi-annuelle de rigueur, traines ensuite quelques jours avec les copines puis va plonger dans le quotidien et l’intime à Lyon le temps d’un week-end.
Puis un train, un autre, un bateau, menant à un caillou.
Autoportrait sur le départ
Compagnon de route
À bord
Compagnon de traversée
Un caillou en pleine mer quand les rares hôtels sont vides, les chambres d’hôte en veille, les restos sans ventres attablés et la météo instable, c’est une autre définition du paradis.
Paradis, n. m. : État ou lieu de parfait bonheur • Lieu où les âmes des justes pourront jouir de la béatitude éternelle après la mort
Les conditions limitent la parole. Bonjour. Oui. S’il vous plaît. Merci. Au revoir. Bonne fin de journée. Bonne soirée. Une torsade au chocolat. La soupe de poissons. Le ragoût. Un coca zéro — j’ai laissé les miens à la maison, pour pas m’encombrer.
Le reste se passera avec le sifflement du vent et le crépitement de la pluie. Même la musique sera de trop.
Sans musique
Ici tout commence ou tout s’arrête.
Au bout du bout
Là, le chemin fatigue les cuisses.
Tracé pas plat
Ici, le chemin n’existe plus.
Péter plus haut que son cul
Là, les nuages s’affrontent.
Menace fantôme
Ici, le caillou a disparu.
Ici ou ailleurs
Celui-ci garde la maison.
Fier comme un paon
Ceux-là font rideau.
Banc protecteur
Celui-ci sourit sans ciller.
:)
Celui-là se planque dans les bois.
Farfadet
Celui-ci fait le malin.
Grande gueule
Celui-là annonce le printemps.
Bientôt
Celui-ci garde le Fort du Grognon.
Porte close et tête de mort
Ceci indique la voie.
Circuit touristique
Cela fait réfléchir.
Terrain miné
Ceci impose une pause.
Face à nul part
Cela fait rebrousser chemin.
Fait maison
Ceci apaise.
Éclairage public
Celle-ci se planque.
À l’épreuve du temps
Celle-là fait simple.
À l’épreuve du temps II
Celui-ci s’embourbe.
Dans la crasse et la joie
Ici, on est à l’abri.
Quartier résidentiel
Là, on réduit à l’essentiel.
Accès interdit
Ici, on joue sur les mots.
Marin sobre
Là, on dit les vérités qui fâchent.
Promoteur
Ici, on lutte contre le gris.
ACAB
Là, on reste dans son jus.
La réclame
Ici, on s’en remet à la clientèle pour la déco.
Ceci n’est pas une quéquette
Hauteur limite
Là, on accumule. Et on propose un plat du coin, le ragoût de morgat : pommes de terre, carottes, oignons, ail, herbes et blanc de seiche mijotés toute la matinée.
Deux clients ce jour-là, rab’ à volonté
L’espace restauration est un patio abrité de la pluie par une tôle ondulée translucide.
Bons mots et mauvais goût
Hep
Calembours, blagues potaches, statuettes, sous-bocks, stickers et pinces à linge s’entassent. Liste non-exhaustive.
Laurel et Hardy
L’accumulation est le message.
Jacques
Joyeux bordel comme seule ligne de conduite.
Et pourquoi pas ?
Celui-ci vit là depuis qu’il est grand comme ça, il a pas mal bourlingué dans sa jeunesse, il a traversé l’Inde à pied en trois mois, il a fait beaucoup de photos en Afghanistan — les mecs avaient jamais vu un appareil photo de leur vie à l’époque –, il a eu un patron qui transformait toutes les heures non-travaillées des chantiers finis plus tôt en congés — c’est comme ça qu’il a pu beaucoup voyager –, il connait tout ce que l’île compte de gens célèbres, il trouve qu’il y a trop de vélos surtout l’été, il boit toujours deux cafés, il co-organise le festival de cinéma de L’île de Groix sur la dernière quinzaine d’août — ça prolonge un peu la saison –, il connait tout le monde, salue poliment mais préfère parler aux étrangers de passage.
Dans son jus
Celui-là parle peu mais sourit sans peine, sauf quand il fume.
Sauf quand il fume
Celle-ci fatigue.
Coup de barre
Celle-là hésite, rit, puis commande un galopin après son p’tit café, mais avant le plat du jour.
S’encanailler avec un galopin
Celle-ci préfère les vocaux.
Bla blou bla bli blou bli
Celle-là emmerde le vent.
C’EST QUI L’PATRON ?
Celle-ci est ailleurs.
Partir
Le retour sur le continent offre un luxe discret : deux heures de battement avant le train, dans une ville portuaire, un dimanche de printemps fragile. Deux heures entre les entrepôts de tôle et de béton du port.
Celui-ci tente sa chance au grattage.
Vous êtes ici
Celui-là ne lâche rien.
A
Celui-ci fait du bien à l’égo.
BG :)
Celui-là bug.
Skull & glitch
Celui-ci résume le voyage.
Paradis
Le lendemain du bout du monde, cinq ans et un mois sont passés : ta barbe est saupoudrée de poivre et de sel, ta cabane louée se décrépit, tu te regardes dans la glace. Le pull bisou t’arrache un sourire. L’un de tes deux jeans a craqué — ta garde-robe vieillit comme ta barbe. Sans prévenir. Sans issue.
Une dernière semaine sans routine. À ne jamais manger là mais ailleurs. Une nouvelle paire de jeans et un nouveau pull avec tes dernières tunes. La même gamelle — elle tient depuis dix ans, elle peut en faire dix de plus. Le même sac, le même stylo.
Le premier jour arrive. Un ton à trouver. Des premiers mots.
Lu et approuvé
La première semaine se termine. Nouveaux mots, parfois obscurs. Nouveaux visages, connus pour certains mais pas encore complices. Tout est à (re)faire.
Le premier week-end. Apricity de printemps — il y a un mot pour ça ?
Spring apricity de ville
Spring apricity des champs