Quotidien : qui appartient à la vie de tous les jours
Intime : qui constitue ce qu’il y a de plus intérieur, de plus profond dans l’être
La promenade du chien vient clore l’après-midi passé aux abords du fleuve.
Le chien a la force d’un cheval et le comportement d’un enfant de 4 ans en pleine montée de sucre. Le promener, c’est se déboîter l’épaule.
L’équipe du refuge l’avait appelé Choco Pops. Mais on trouvait ça un peu nul. Alors on l’a changé pour Cookie.
Cookie, c’est une torpille à quatre pattes sous MDMA qui a changé d’identité.
En début de soirée, les quenelles n’ont pas assez gonflé. La faute au temps de cuisson — trop court.
Mais ça va.
Elles seront englouties très vite avant la marche d’un bon pas, les éclats de rire dans la salle de spectacle, le bavardage au bar, le retour tranquille puis la nuit de sommeil à la maison.
Le rendez-vous avec l’artisan plombier a lieu après les tranches de pain à la farine de maïs et la douche dans la salle de bain du bas, celle du haut servant de zone de stockage pour les semis de tomates, de concombres et d’aromatiques.
Le rendez-vous avec le maçon aura lieu le lendemain, en fin de matinée. Juste avant son arrivée, une partie de la vieille terrasse en bois aura été désossée, les planches posées à l’air libre contre le mur de la maison pour laisser l’humidité s’évaporer, avant de finir un jour en jardinières ou en don sur une plateforme en ligne.
Entre les deux visites d’artisans espacées d’une journée, la lente ascension à pied des côtes de la Croix-Rousse découd la conversation qui l’accompagne. Nez plissés devant les vitrines décevantes, gloussements de joie dans le fatras d’une boutique colorée, craquage de slip sur des accessoires futiles, repas lyonnais qui assommerait une torpille sous MDMA, rafraîchissements à intervalles réguliers pour aborder les sujets qui touchent. Entendre le pronom personnel elle devenir le sujet. S’en émouvoir, devant un coca et un jus de fruit, dans un bar de mauvais goût qui prétend être le contraire. Reprendre la marche. Amorcer la descente. Enfourcher les vélos. Errer dans les rues en quête d’un coiffeur. Finir sous une boule à facettes géante dans un salon tenu par un père et ses deux fils.
Après la conversation qui touche vient la soirée qui dégomme, chez d’autres que celui et celle qui accueillent pour ces quelques jours. Les gens se connaissent bien, éclatent vite de rire, mais agrandissent le cercle pour accueillir les nouvelles têtes d’un soir ou plus. La charcuterie est locale, la bière est à 8° ou plus, les quiches s’empilent sur la table reléguée dans un coin du salon. Les chats restent imperturbables face aux comportements des humains : pas de danse, curling sur carrelage avec rouleau de PQ industriel et limbo improvisé sous une brosse à chiotte. Pour reprendre son souffle, il y a la petite terrasse espace fumeur et la cuisine ravitaillement. Le long retour à vélo, plein sud et face au vent, permet de savourer l’ivresse autant que l’apaiser.
Le samedi se passe dans le jardin, entre le bout de terrasse à désosser, le rendez-vous avec le maçon pour fignoler le devis, les 300 kilos de caillasse à déplacer et l’apéro au Prosecco avec des copains. Féminisme et changements de boulot pour sujets de conversation, entre pâté en croûte, olives pimentées et tartinades végétariennes.
Un dimanche qui démarre avec des gaufres de patate douce est un dimanche qui démarre bien. Et qui se poursuit par une balade improvisée dans les rues de Lyon, guidé par celui qui accueille. Il avait prévu de lâcher le colis à un feu rouge, puis de filer faire du VTT dans la pampa avoisinante.
On peut se faire une balade urbaine sinon…
Des bords de Saône aux marchés bondés, des rues pavées aux bancs de cathos sortant de l’église, la déambulation mène à une dégustation organisée par un caviste de quartier. Pour éponger les excès de celles et ceux qui ne recrachent pas, le caviste a prévu des sandwichs à base de focaccia, garnis de pastrami ou de poulet mariné. Que l’assemblée déglingue entre deux tournées de dégustation. Vins rouges, vins blancs, vins pétillants et victuailles alourdissent le coup de pédale retour.
Le gratin dauphinois du soir et le visage familier venu dîner pour raconter dix ans en trois heures clôtureront le week-end. Mais avant les pommes de terre et les conversations, il y a le silence, la sieste et la lecture. Une promesse depuis le début du séjour : dimanche après-midi, ce sera à la maison. Pour fouiller la bibliothèque.
La cantine de Minuit, Chiisakobé, Tout est vrai, Pelote dans la fumée… Vieille connaissance, bon conseil, surprise, trouvaille… Jusqu’à une mosaïque de visages sur une couverture rigide — Trans* — qui regroupe près d’une cinquantaine de portraits de personnes transgenres. La préface se termine ainsi :
La tolérance est l’ignorance de l’autre. L’acceptation est le partage avec l’autre. Notre société est devenue plus tolérante, pas plus acceptante. Mais la tolérance est peut-être le premier pas nécessaire vers l’acceptation.