C’est de la faute du canard. Il donne une direction.
Toi, mon pote, tu vas aller par là.
Par esprit de contradiction, direction opposée. Dans les ruelles pavées à s’en décapsuler les chevilles, des visages émergent de la crasse.
De retour sur le bitume, retrouver l’équilibre comme après une sortie en mer, t’arrêter, reprendre ton souffle — déjeuner copieusement avant de marcher était donc bien une mauvaise idée.
OK canard. Par là. Les yeux ouverts, les tripes à l’air.
Ses semelles raclent le béton. Ses chaussures, son pantalon, sa chemise, son pull, sa veste — tout est lourd.
Son corps ouvre la voie à tous les autres.
Les pas cadencés dans les foules serrées.
Le lèche vitrines nonchalant dans une rue découpée par le soleil.
Les poses déformées par les années.
Les pauses désabusées.
Les moments suspendus.
Les duos complices.
Les conversations scriptées pour tenter d’arracher des deniers.
Des ombres qui font planer.
Même les inanimés sont de sortie.
Parfois, des objets oubliés.
Sur les terrasses et dans les parcs, on boit on fume on mange on guette on pose on glande.
Parmi les anonymes, les ignorés.
Comme à leur habitude, les murs observent et commentent.
Partout, le ciel en impose.
À l’heure où le sodium remplace les UV, N. saute dans tes bras dans le couloir. Puis elle claudique, sautille, cache ses lego, défonce la pasta, siffle une Danette, tartine son pyjama, se brosse les dents, réclame deux histoires puis écrase sans broncher.
La conversation avec F. passe alors de Javier Bardem à Julianne Moore à Amy Hempel à Raymond Carver à Bégaudeau à La Nuit à l’impro aux Chiens de Navarre à l’hôpital qui fait flipper au dessin au fusain à la peinture à la maladie qui détruit à Buster Keaton à Chicken Run à l’Italie en catastrophe à la danse au théâtre à l’amour qui s’essouffle aux bijoux à la pasta au moment de se quitter parce qu’il est temps.
La serrer un peu plus fort, un peu plus longtemps que d’habitude. Partager des branches auxquelles se raccrocher.