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Loire à vélo • 2 • Là-haut

Sur la colline

Dodelinement et compagnie

Le vent, c’est ça ? Vous serez à couvert aujourd’hui. C’est mieux. C’est la partie que je préfère.

La nana du Proximarché joue les connaisseuses. Il a suffi de citer Nevers comme point de départ pour qu’elle fasse référence à celui QUI DEVRAIT SOUFFLER SUR LES RAFFINERIES DU MONDE ENTIER POUR BRÛLER LA CIVILISATION OCCIDENTALE D’UN COUP D’UN SEUL. Sur son comptoir de mini supérette, à 8h15, le même sachet de viennoiseries que celui acheté deux minutes plus tôt au boulanger d’à coté, sur la place de l’église.

La susnommée nana du Proxi ne s’est pas foutu de ma gueule. La tranquille balade au départ de Pouilly, après être repassé sud Loire, passe son temps à te susurrer des mots doux à l’oreille.

Aujourd’hui, tu vas rouler, bébé.

À couvert signifie que la faune s’en mêle. Des arbres majestueux, dégueulant de vert, recouvrent le parcours et offrent une délicate fraîcheur qui chatouille les guiboles et les tétons. Forêt, je t’aime. Arbres, je vous aime. Mais mollo quand même, on se connaît à peine.

De temps en temps, au détour d’un droite gauche boisé, une colline apparaît au loin. Les connaisseurs connaissent, le trio rencontré dans le train la veille avait formulé un cordial avertissement.

Au début, ça va le faire. Tu vas dodeliner de la tête en passant sous le viaduc. Puis un rond-point va arriver. Là, tu sauras.

Droite gauche boisé, colline au loin. Droite gauche, colline, bla bla bla. Saint-Satur, viaduc, dodelinement, rond-point.

Rond-point.

Rond-point.

Rond-point.

Trois tours avant de se décider.

Allez, ma gueule.

OH

PU

TAIN.

Ce qui apparaît comme une sérieuse côte aux yeux des yeux est compris comme UN PUTAIN DE MUR SA RACE par les jambes. Sur la cassette vissée à l’axe de la roue arrière du vélo, adjointe d’un élégant dérailleur, il y a neuf pignons. Neuf. Le dernier, ou le premier (selon le point de vue), est de la largeur d’une main de bûcheron canadien. Il permet de pédaler dans la semoule. Ou, dans le cas présent, de lutter contre ce connard d’Isaac Newton et sa pomme. La gravité, quoi, qui cherche à t’entraîner irrémédiablement vers le bas alors que toi, bien con en cette douce matinée d’été, ce sont les hauteurs qui t’intéressent.

Deuxième rond-point, court répit, courte hésitation entre centre ville et centre historique puis nouvelle grimpette NON MAIS SANS DÉCONNER C’EST UNE COLLINE LES MECS C’EST PAS L’EVEREST.

Là-haut. Dans la douleur. Serveuses et serveurs dressent les terrasses des restos pour accueillir les badauds du déj à venir. L’intérêt est ailleurs. Non, pas dans les caves, mais dans le point de vue offert par l’ascension. 318 mètres semblent peu, mais le cadeau est de taille. La vue sur la Loire est à s’en décapsuler les globes oculaires. Là-bas, après la Loire, la Bourgogne, où les deux quinquas croisés la veille dans le train doivent suer sang et vin rouge. En contre bas, le viaduc - dodelinement de tête. Les verdoyantes îles de la Loire. La route touristique qui serpente entre les vignes. Impossible de tout voir, de tout retenir. Comme si l’œil humain n’était pas fait pour enregistrer tant de choses.

La topographie est ainsi faite qu’à toute montée est associée une descente. Elles sont parfois différentes, mais à sancerre, on descend par où on est monté YOLO PLEINE BALLE BABY BOUGE TA BOÎTE À ROUES ELLE PUE DU CUL QUOI LE ROIND-POINT QUEL ROND-POINT JE VAIS SERRER À DROITE RIEN DU TOUT LA ROUTE EST À MOI JE L’AI GAGNÉE À LA GRIMPETTE, BITCHES.

Les géants planqués

Viaduc, dodelinement, retour sur le parcours. Le long du canal latéral à la Loire. Les mecs qui ont dessiné le tracé ont tout prévu : après la gifle de la grimpette, balade bucolique en cadeau. Passé Bannay, retour des droite-gauche boisés, rafraîchissants, à la limite de l’auto-érotisme. Arbres, je vous aime.

Au loin, à l’instar de Sancerre, se dessine la prochaine attraction. Brutale, immense. La balade vire au bucolique de ouf, malgré les deux géants plantés là. La centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. Deux cheminées tellement énormes qu’on dirait les narines de Dieu, juste après avoir tapé le pied de son lit avec son petit orteil.

Non, elles ne sont pas contournées. C’est même tout le contraire : la balade emmène au pied des géants. Au pied, littéralement. Autant que les limites du terrain le permettent. Et c’est absolument mortel. Un voyage n’est pas fait que pour être une carte postale.

En rentrant à la maison, on allume la lumière, on fait une lessive, on réchauffe les restes au micro-ondes, on se brosse les dents, on recharge sa palanquée de dispositifs électroniques pour liker des daubes et répondre à des mails insignifiants… Même nos clopes sont électroniques. Et on critique la dépendance des toxicos ? Une seringue, une petite cuillère, un bout de coton et direction le paradis.

Dieu avec des Grosses Narines que ce trajet est bien fichu.

Il y aura une autre centrale bien plus loin sur le chemin. Celle de Dampierre en Buffy. Quatre putains de narines pointées vers le ciel.

À l’arrivée sur Beaulieu, un cadeau de trois cent mètres : le parcours emprunte un chemin d’herbe. Une lignée de maisons au bord du canal ont un accès direct au canal agrémentée d’herbe, pas suffisamment limé par les cyclistes ou les autochtones pour perdre de sa superbe. Et ce petit bout de route clairement verte colle un sourire aux cyclistes. Deux loulous de 25 ans croisés à ce moment-là le confirment. Le second a le vélo de sa grand mère et le chargement du cirque Zavatta en tournée mondiale sur son porte bagages. Mais il a une putain de banane. Avec trois brins d’herbe.

Robinet et bornes

Tu quittes Nantes, ta ville d’adoption, tu prends un train qui t’emmène à des centaines de kilomètres, tu tapes des bornes, tu grimpes à Sancerre, tu fais un câlin à une centrale, et ta pause dej à Bonny sur Loire sur une table de pique nique ombragée se passe à côté de Nantais retraités en vadrouille en camping car. Bavards après avoir mangé et généreux pour refaire le plein de la gourde isotherme.

Par contre, j’ai que de l’eau du robinet.

Balade bucolique en Bonny et Briare. Des gens bien nés et bien lotis y ont des bicoques prétentieuses et impeccables.

Il est des gens plus lents que les cyclistes. Non, pas les piétons. Les kayakistes. Deux navigations de fortune descendent le fleuve. Un coucou et un clic clac plus tard, le voyage continue.

Partout sur le trajet, les coca zéro sont hors de prix. Avec ou sans rondelle. Ça doit être la mode.

L’arrivée sur Gien vaut son pesant de soda sans sucres. La ville a de la gueule depuis la rive sud.

À Bonny comme à Gien ou ailleurs, certains campings faisaient rêver. Mais l’envie de rouler était plus forte que celle de lâcher prise.

La trentaine de bornes entre Gien, qui aurait pu être un bon choix pour dormir, et Sully ont clairement piqué. La chaleur a cogné. Quelques grimpettes surprises achèvent de gifler le cycliste téméraire.

Mickey est un plouc

À Sully, pas de camping. Il est à Père sur Loire, sur l’autre rive. À l’écart de la ville. Et cinquante mètres avant l’entrée, il pue l’horreur à plein nez.

Bien sûr, on peut recharger votre téléphone. Laissez le nous à l’accueil. C’est 50 centimes la charge.

Il n’y a pas de petit profit. Il n’y a que de la petitesse.

Tout est possible, hein. Mais pas pareil.

Vous pouvez me laisser une bouteille d’eau dans le frigo. Mais faut venir la chercher avant 20 heures. Demain, on n’ouvre qu’à neuf heures. Vous serez sûrement parti.

La différence entre service et business tient à peu de choses.

Le truc est une horreur comme il en existe tant : barrière automatique a l’entrée, piscine au niveau sonore proche de celui d’une fête étudiante avec mauvais alcool coulant à flots, jeux en plastique colorés pour divertir des enfants en pleine montée de sucre. Le truc est tellement affreux qu’on se croirait à Disneyland : une authenticité de plastoc conçue pour maximiser le taux de remplissage. Celles et ceux qui y voient du divertissement devraient en parler à leur thérapeute.

Seul point d’espoir : le snack.

Pour les commandes de boulangerie, faut voir avec le snack. C’est un truc différent de nous, ils font leur truc de leur côté.

Ce commentaire de l’accueil du camping fleure bon l’indice.

Okay, la ziq diffusée trop fort sur les enceintes est dégueulasse MAIS :

  1. Ils ouvrent à 8 heures du mat’ et prennent les commandes de pain au choc
  2. Ils servent des pizzas qui requinqueraient une équipe de rugby après un entraînement un peu chahuteur. Alors une crevette sur un vélo finit rassasiée et somnolente.

Grillons, moustiques, demi-lune, DJ Patate qui anime la soirée du snack au loin, couple de Hollandais trentenaires équipés comme un festoche en plein air qui remballent leur install’ à l’arrière-plan : le bon moment pour fumer un zouzou, relire, et lâcher prise.

Bilan

Kilométrage

  • du jour : 121 km
  • cumulé : 183 km

Notes pour plus tard

  • Éviter les côtes pour les yeux qui sont des murs pour les jambes
  • Une pizza, c’est trop. Même après 120 bornes.

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