Leur cuir est encore dur. Ça va prendre des semaines pour les faire : des griffures en râpant les bateaux des trottoirs ; des traces en tapant sur les pieds des tables et des chaises ; des tâches de boisson après une soirée dans un bar ou un resto. Des semaines avant qu’elles ressemblent à des chaussures portées et non achetées.
Marcher.
La drache a cloitré, le vent enhardit. Les téméraires dandinent et passent devant, les frileux luttent mais persistent.
Ne pas connaitre ses chaussures, leurs lacets. Trop serré d’un côté, pas assez de l’autre. Chevilles et pieds grimacent.
Marcher.
Il y a celles et ceux qui se battent, celles et ceux qui paradent, celle et ceux qui capitulent.
Avec le piano dans les oreilles, c’est une cavalcade dans la cage thoracique et un lave-linge dans le crâne. Tout se renverse à l’intérieur.
Marcher.
Je suis en plein descente…
La voix perce un groupe attablé à une terrasse, percute l’oreille à travers la musique, résume le dimanche en fin de journée.
Partout ailleurs, sur les murs, le chuchotement des 99%.
Les vitrines sont bavardes aussi. Écrire gros ne masque pas le vide.
À l’heure où le jour capitule après s’être battu, il est temps de rentrer.
S’arrêter de marcher. Attendre que la cavalcade et le lave-linge s’apaisent. Défaire ses lacets.
Des semaines.